Un bouilleur de cru au Blanc

En 1971, Michel Leduc, armé de sa caméra 16mm, filme le travail d'un bouilleur de cru dans une distillerie du Blanc, dans l'Indre.

Crée en 1968, avec pour mission la préservation, la conservation et la mise en valeur du patrimoine artistique, culturel et économique du Blanc et de sa région, l'association Les Amis du Blanc et de sa région a fait plusieurs dépôts de films auprès du pôle Patrimoine de l'agence CICLIC Centre-Val de Loire.

En 2019, elle confie les films de Michel Leduc. Hormis ce portrait d'un bouilleur de cru que nous vous proposons, les films déposés de ce réalisateur, qui exercait le métier d'opérateur de prise de vue dans le secteur de la télévision, s'attachent à la vie quotidienne du Blanc dans les années 1970, que ce soit des travaux place de la Libération, le marché de la ville ou l'animation dans le Café du Théâtre.

Un privilège en voie de disparition...

Dans le film présenté ici, Michel Leduc s'attache à une activité en pleine modification depuis une dizaine d'années.
En effet il existe en France, depuis Napoléon qui l'établit pour ses grognards, un privilège d'exonération de taxes pour la distillation de 10 litres d'alcool pur ou pour 20 litres d'alcool à 50°. Cet avantage est héréditaire jusqu'à l'ordonnance du 30 août 1960. Cette année-là, dans le prolongement de la lutte pour tenter de limiter le fléau de l'alcoolisme (commencée notamment en 1956, quand Pierre Mendès-France interdit l'alcool dans les cantines scolaires pour les enfants de moins de 14 ans) et à la demande des grands importateurs d'alcool fort et des producteurs français, le législateur interdit la transmission de ce privilège entre générations. Désormais seul le conjoint survivant peut en user jusqu'à sa propre mort, mais plus aucun descendant.

Nous ne connaissons pas le statut du bouilleur de cru filmé par monsieur Leduc. Nous pouvons voir un contrôleur des impôts prenant des notes sur sa production d'alcool. Étant donné la situation législative en 1971, il est donc soit titulaire de ce privilège et dépasse la quantité produite autorisée à ce titre ou non titulaire de ce privilège et doit en conséquence verser une taxe fiscale au Trésor public.

...mais un savoir-faire dans la continuation

Quelque soit sa situation au regard de la loi, son travail reste le même, répétant les mêmes étapes lors de toutes les périodes de distillation, qui débutent généralement aux environs du début du mois de décembre pour se prolonger jusqu'au mois de mai.

Avec un minimum de 80 à 100 kilogrammes de fruits en stock, ce qui représentera environ une dizaine de litres d'alcool, un feu est allumé et entretenu près de l'alambic. De l'eau est versée dans une bonbonne, elle est destinée à refroidir, dans la pipe, les serpentins qui transformeront la vapeur en alcool. Et puis des prunes sont versées dans la cuve et le foyer est chargé de bois afin de porter la mixture fermentée à ébullition, mais lentement pour ne pas qu'ils brûlent au fond de celle-ci.

Viens alors le temps de l'attente. Après deux-trois heures de cuisson arrivera l'heure de vérité lorsqu'un petit goutte à goutte commencera à couler dans un seau et que l'alcoomètre devra jouer son rôle de juge de paix.

Mémoire vous propose donc de voir en deux minutes le savoir-faire d'un bouilleur de cru en pleine activité.