Les énigmatiques défilés de Gilles

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En cette année 2024, Mardi gras se fête le 13 février. Ciclic Centre-Val de Loire conserve de nombreux films de carnavals mais  très peu d'images sur ces mystérieux personnages nommés "Les Gilles". Qui sont-ils ? Où peut-on les voir ? Sous quelle lune et en quels lieux ? Un film tourné à leur insu, en 1950 à Binche en Belgique, va peut-être nous aider à comprendre l'origine de leur existence ...

La ville moyenne francophone de Binche située dans la région wallonne de Belgique est réputée pour son carnaval qui se déroule 49 jours avant Pâques. Pourtant célébré dans toute la région, c'est dans cette ville que cette fête païenne attire chaque année des milliers de spectateurs. En effet c'est là et nul part ailleurs dans le monde que vous pourrez voir défiler lors du Mardi Gras annuel Les Gilles. Ce carnaval est devenu si emblématique que l'UNESCO l'a reconnu chef d'oeuvre du patrimoine culturel immatériel de l'humanité !

Devenir Gille demande plusieurs exigences, tout d'abord être un homme issu d'une famille binchoise ou y résider depuis plus de 5 ans, avoir un comportement exemplaire, ne pas s'assoir, fumer, manger ou téléphoner en public. Il est autorisé à défiler en costume que le jour du Mardi Gras et uniquement dans les rues de Binche. Les Gilles que vous croisez hors de leur commune d'origine ne sont pas de vrais Gilles binchois ! Leur nom serait inspiré du prénom espagnol "Gil" très courant lors de la conquête des Pays-Bas par l'Espagne et leur tenu de celles à la fois des conquistadors mais aussi des parures de plumes Inca. 

Le Gille apparaît pour la première fois dans les textes en 1795 en tant que personnage se révoltant contre le régime politique français du Directoire qui voulait interdire le port du masque, mais la légende la plus populaire raconte que le Gille descendrait des Incas symbolisé par un homme tatoué et portant un panache de plumes sur la tête et qui aurait défilé lors des fêtes organisées par Marie de Hongrie pour accueillir son frère Charles Quint.  

                                                        

Son costume, confectionné en secret, est constitué d'un pantalon en jute orné de 150 motifs, lions, étoiles couronnes en feutrine noir jaune et rouge et d'une blouse bourrée de paille lui faisant une bosse à l'arrière et à l'avant surmontée d'un grelot. Il tient dans sa main un ramon formé de baguettes de saule séchées avec laquelle il bat la mesure au son du tambour. Sur la tête, un bonnet de coton blanc maintenu par un mouchoir. À la taille, une ceinture de laine rouge et jaune, montée sur de la toile appelée « apertintaille » et composée de clochettes de cuivre. Une collerette constituée de rubans plissés, de dentelles ou de franges dorées s’attache autour du cou par-dessus les bosses. Son célèbre masque fabriqué dans l’atelier Pourbaix, est fait de toile de cire, décoré de lunettes vertes, d’une moustache, d’une petite barbiche et de favoris. En 1985, la ville de Binche a déposé le modèle auprès de l'Office européen des brevets afin d’en avoir l'exclusivité, il ne peut donc être porté qu’à Binche et vendu qu’aux Gilles par le biais de leur société. Aux pieds, des sabots de bois, qu'ils font résonner dans toute la ville le jour du défilé des 1000 ! 

                                       

La fête se déroule sur trois jours, selon un rituel immuable et très précis auquel le Gille ne peut déroger. Le dimanche matin dès 7 heures, les participants déguisés partent de chaque maison au son des tambours ou de violes pour défiler dans la ville. Le lundi la journée est dédiée aux enfants qui se retrouvent pour former le rondeau de l'amitié. Le point d'orgue étant le Mardi Gras, seul jour où vous pourrez admirer les 1000 Gilles en costume et coiffés de leur chapeau de plumes d'autruches et distribuant des oranges.

Vers 20h00, le cortège du soir aura lieu à la lueur des feux de Bengale. Les Gilles, leurs paniers vides d’oranges, auront ôté leurs chapeaux. Le feu d’artifice de la Grand-Place éclatera vers 21h. Tard dans la nuit, nombreux sont ceux qui pourront encore faire la fête, avec la consigne stricte d'être chez soi à l'aube, car pour les Gilles, comme pour Cendrillon, le temps accordé à la féérie disparaît au lever du soleil ... 

Saurez-vous faire la distinction entre les vrais des faux Gilles dans ces trois films amateurs d'Henri Vallet en 1950, de Joseph Limousin en 1953 et de Jean-Pierre Lapeyre en 1980 ....?

Henri Vallet est né le 6 décembre 1922 à Allones dans l'Oise de parents instituteurs. Instituteur lui-même, il se passionne comme son père pour la photographie et achète une caméra Paillard 9.5mm, au début des années 1950 puis une Leicina et filmera sa vie de famille et ses voyages jusqu'en 1966. Il quitte l'Oise et travaille ensuite en Indre-et-Loire, dans différentes écoles primaires. 

Joseph Limousin est né en 1908 à Châteauroux. Une partie de ses études se déroule à Saïgon en Indochine où son père était fonctionnaire. En 1933, il épouse Germaine Biard, née en 1909, fille des droguistes de la "Droguerie Centrale", aux 11 et 13 rue Victor Hugo à Châteauroux. Il y agrandit le rayon photographie et crée un espace cinéma. Pour la droguerie Biard, il développe aussi une gamme de produits d'entretien à laquelle il donne le nom de Balma. À la fin des années 1960, il abandonne son activité de droguiste et d'industriel, grâce à l'important essor des produits Balma, pour devenir commercial dans les matériaux pour la construction. 
Joseph Limousin a fait de la résistance pendant la guerre. Il est aussi le fondateur et le directeur de la compagnie de théâtre amateur "Les Tréteaux du Bombardon" dans les années 1940 et 1950. Il tourne en 16 mm, en noir et blanc et en couleurs, de 1936 à 1962. Il fréquente le Caméra Club de l'Indre. François Balsan, l'explorateur, lui confie le montage de tous ses films. 

Jean-Pierre Lapeyre est né le 27 juin 1947 à Talence de parents ouvriers et éleveurs. Après ses études il devient agent EDF à Saint-Laurent-Nouan dans le Loir-et-Cher. Il est très impliqué dans sa ville à la fois en tant que conseiller municipal mais aussi en tant que membre de différentes associations culturelles ou sportives. Il commence à filmer en 1972 en super 8 des scènes de famille et des évènements locaux, notamment les constructions des nouveaux réacteurs de la centrale nucléaire dans les années 1980.