Famadihana - Le retournement des morts à Madagascar, une affaire joyeuse.

Famadihana, quel mot énigmatique. Ne cherchez pas de traduction, il n'y en a pas. Parlons plutôt de retournement des morts, exhumations ou bien réenveloppement des squelettes réalisé sur l'île de Madagascar depuis le XVIIème siècle. Il n'y a pas de traduction certes mais Roger Guillaume, cinéaste amateur, en a gardé trace en 1970.

Le famadihana est une tradition chère aux habitants des Hauts-Plateaux de Madagascar. Pour synthétiser, cela consiste à exhumer les dépouilles des proches et à les envelopper dans un nouveau linceul lors de grandes festivités, sur deux jours, en présence de la famille, des amis et toujours accompagnées de musique. 

C'est dans la joie, la musique et le bonheur collectif que se déroule la cérémonie. En effet, autant les premières funérailles peuvent être tristes, autant cette seconde cérémonie et celles qui suivent se déroulent dans une ambiance festive. Comme il est possible de le lire : "fabriquer des ancêtres, c'est une affaire joyeuse". 

Le film de Roger Guillaume est évocateur de cette ambiance propice pour réunir la grande famille et éventuellement créer les conditions pour se réconcilier en cas de discorde. Mais le film, que l'on peut ici qualifier de reportage, nous apporte bien d'autres détails. En effet, nous pouvons voir que les corps des défunts sont enveloppés dans des linceules, lesquels sont recouverts de nattes en osier. Leurs descendants les portent ensuite sur leurs épaules en dansant et en festoyant. 

Vue de l'extérieur, la scène parait insolite voire exotique mais ici nous sommes face à un moment d'exaltation qui se tient tous les 5 à 7 ans. Nous sommes ici bien loin d'un simple moment anecdotique puisque c'est par le tombeau que les descendants fabriquent du futur et se réclament de leur passé. À l'époque de l'esclavage, il n'y a pas d'ancêtres mais à partir de 1896 pour le peuple malgache tout change et les ancêtres font la fiertés des enfants et petits enfants qui exibent régulièrement leurs aieux. 

Roger Guillaume prend le temps de montrer tous les aspects de cette tradition dans ce film documentaire. En effet, selon la typologie de Roger Odin, professeur en science de la communication et théoricien du film amateur, il y a deux catégories de films en fonction de l'intention de l'auteur : le film de famille et le film documentaire. Ce dernier : "porte témoignage pour le futur en se servant du cinéma". D'ailleurs le format choisit par l'auteur n'est pas anodin. Le 16 mm, dont nous célébrons le centenaire, est un format idéal pour documenter son environnement. Stable, solide et très esthétique il permet de faire état de la plus belle façon des évènements qui se déroulent sous les yeux du cinéaste. 

Aujourd'hui le famadihana est rattrappé par le contexte économique. Cette tradition est lourde d'un poids financier que les famillles ne peuvent parfois plus porter. Néanmoins, il reste les archives qui garderons toujours en mémoire que le peuple malgache prend à bras le corps la question de la mort alors que nous avons, nous occidentaux, trop tendance à oublier nos ancêtres... 

Roger Guillaume est né en 1917 à Paris et décédé en 1993. Cadre aux PTT, il est nommé directeur des postes à Tananarive à Madagascar de 1950 à 1967/68. Sa famille est originaire de l'Aveyron. Il a vécu à Versailles, Saint-Cloud et Cormery où il possède une maison. À son retour de Madagascar, il passe ses vacances à Cormery, dont il fera un portrait en 16 mm. Sans enfant. Il réalise des films uniquement en 16 mm avec une caméra Pathé Webo sur des rites et des fêtes folkloriques de Madagascar et sur d'autres voyages.