Les chemiseries d'Argenton-sur-Creuse

Il y a 150 ans, s’ouvrait à Argenton-sur-Creuse le premier atelier de confection de chemises.

Au fil des années, la ville devint un haut lieu de la chemiserie. Aujourd’hui, Mémoire vous propose un regard croisé entre archives du passé et entretiens du présent réalisés par l’équipe de recherche Vivamemori de l’université de Tours. La caméra, objet du passé et témoin du présent nous fait revenir sur ces moments forts de cette industrie aujourd’hui mise en lumière au musée de la chemiserie et de l'élégance masculine d’Argenton-sur-Creuse.

Film d'entreprise ou film d'industrie, le cinéma amateur a très vite mis en image le monde entrepreunarial. La caméra, objet de capture du présent, était le meilleur des outils pour composer et dessiner la grandeur et l'histoire des sociétés et ce pour de multiples raisons. Elle permettait de sauvegarder les techniques de travail, valoriser les confections et garder une trace pour la postérité, autant de raisons qui aujourd'hui permettent à Ciclic de mettre en valeur ces fonds.

Les établissements Gravereaux 

Boulogne-Billancourt : Centre des opérations

Au cours de leur demi-siècle d’existence, Les Établissements Gravereaux ont fabriqué leurs produits dans plusieurs manufactures et ateliers. La « Maison Gravereaux » est née des mains de René Gravereaux en 1910. Dès cette période, l’usine de Boulogne-sur-Seine a été au centre de leurs opérations, tant pour la fabrication de cols que, pendant la guerre de 1914-1918, pour celles des masques à gaz. C'est ici que nous vous proposons notre première archive. En 1949, Jean-René Gravereaux (fils Gravereaux) filme en 8 mm l'entreprise de Boulogne-Billancourt. Le film nous donne à voir les traces du passé de la confection. La marque triplefil y est à l'honneur mais c'est aussi l'occasion de nous montrer les locaux ainsi que quelques  étapes de confection, le patronnage et la coupe sous l'oeil du contremaître.

L'archive apporte une bonne représentation de la vie d'entreprise allant jusqu'à nous faire profiter des sourires, de la bonne entente entre les salariés mais aussi d'un des moments clés : la sortie d'usine. Chaque membre du personnel vêtu d'une blouse regagne son domicile.C'est en 1928 qu’apparaît la marque déposée Triplefil, laquelle deviendra la dénomination phare des Établissements Gravereaux pendant quatre décennies. Associée tout d’abord aux cols, elle s’étend peu après aux chemises.  

Toutefois, des évènements extérieurs ont amené René Gravereaux à diversifier les lieux de production de son entreprise. C’est suite au préconisations du gouvernement qu’il a dû délocaliser la fabrication du matériel de protection loin du front de guerre franco-allemand.  

Les années 40, l'installation en Région Centre-Val de Loire

Alors que l'Europe s'enflamme et que le paysage national se redessine, René Gravereaux décide en 1940 de transférer les produits finis et les tissus de l’usine de Boulogne-Billancourt vers le centre de la France. C'est Jean-René Graveraux, son fils, qui va achever ce déménagement en installant à Argenton-sur-Creuse de nouveaux ateliers de confection. En 1944, la famille Gravereaux acquièrt avec la SOGEC (Société Générale d'Equipement et de Confection), située dans l'ancienne usine Brillaud-Lemelle au coeur d'Argenton-sur-Creuse. Le rachat de l'atelier Guiot en 1947 permet l'agrandissement de la manufacture. Après de nombreux travaux, le site sera alors officiellement inauguré en avril 1949, et sera alors l'un des piliers majeurs de la Maison Gravereaux dans la Creuse. Cette seconde étape nous amène au film 9,5 mm tourné par Raymond Gesell en 1949 lors de l'inauguration. 

René Graveraux y apparaît en orateur, entouré d'officiels et de collaborateurs afin de donner vie à ce que la revue du Centre d'Etudes Techniques des Indutries de l'Habillement (CETIH) décrit comme étant "une amélioration sensible à la confection de la belle lingerie de chez nous, afin d'obtenir une qualité toujours renforcée, en même temps que d'apporter des conditions de travail plus agréables au personnel". Par la suite, la caméra suit les invités, nous proposant quelques plans de l'usine (intérieur et extérieur) et nous invitant aux festivités symbolisant l'ouverture de cette nouvelle usine. Le caractère familial est à souligner notamment par la présence des employés. Nous sommes ici dans le schéma où les employés étaient fortement associés à la vie de l'entreprise, sous forme de ce que l'on appelait le paternalisme d'entreprise.  

 

Les années 60, la construction de la nouvelle usine

Philippe Gravereaux, successeur de René Gravereaux, lors de son allocution le 28 septembre 1964, dira de la maison Graveraux : "C'est une affaire familiale et c'est une entreprise en expansion constante". Alors qu'en Région Centre les entreprises Gravereaux comptaient plusieurs sites, il est décidé dans les années 60 de regrouper l'ensemble des activités et d'y inclure une partie de la production de Boulogne-Billancourt. Nous sommes alors en 1963, l'occasion pour nous de faire notre troisième halte avec la naissance de la nouvelle usine SOGEC, aux Baignettes, filmée par Raymond Gesell en 8 mm. Le cinéaste nous livre ici l'ensemble des étapes de construction : du choix du terrain aux Baignettes en mars 1963 à l'inauguration en février 1964. A la manière d'un carnet de bord, toutes les étapes sont soigneusement filmées. A noter que lors de l'inauguration, de nombreuses personnalités nationales, régionales et départementales seront présentes, à l'image de Pierre Cardin.

La mode enfantine : Babyfil

Dans une volonté de diversification, les Etablissements Gravereaux décident de réaliser une ligne de vêtements pour les enfants, alors quasi inexistante à cette époque. C'est en ce sens que la marque Babyfil voit le jour en 1948. La Maison graveraux propose alors des layettes ainsi que des vêtements pour enfants jusqu'à 16 ans. Ces créations s'accompagnent de collections qui sont exposées via des défilés ici filmés par Jean-René Graveraux en 1960. La commercialisation de ces produits s'appuie sur la même stratégie que pour la mode adulte : Présentation des collections, diffusion, publicité et promotion. 

                                                    

J.C.B confection 

Dans le monde de la confection, les Etablissements Gravereaux n'étaient pas les seuls à prospérer à Argenton-sur Creuse. Notre dernière étape nous amène en 1998 avec un film tourné par Jean-Robert Guichard, alors responsable du Centre de la Mode et de la Technologie de la Confection (CMTC), hébergé au sein du musée de la chemiserie et de l'élégance masculine d'Argenton-sur-Creuse. Créés en 1926, les établissements Bigrat spécialisés dans la chemiserie sont un des principaux ateliers, travaillant à façon pour le chemisier Alain Figaret. Cette archive retrace une partie des étapes de la fabrication d'une chemise. Le film a été commandé par les dirigeants de JCB confection à une époque où la production était en partie délocalisée. Les images devaient être destinées à l'apprentissage par l'image d'ouvriers et d'ouvrières travaillant à l'étranger. C'est pourquoi le réalisateur, en bon connaisseur du secteur, use d'un cadrage serré, pour détailler les opérations techniques, donnant à voir les savoir-faire requis dans la confection d'une chemise.

D'anciens salariées racontent la vie des entreprises de Chemiserie d'Argenton-sur-Creuse

Menée par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs de l’Université d’Orléans et de Tours, VIVAMEMORI vise à amplifier la dynamique engagée par la recherche MEMOVIV (http://www.memoirevierzon.msh-paris.fr/). A partir d’un travail de recueil de mémoires sur l’industrie de la Région Centre-Val de Loire, VIVAMEMORI souhaite contribuer à une réflexion sur les outils les plus pertinents de valorisation d'un matériau riche articulant patrimoine immatériel et patrimoine matériel auprès d'un public diversifié. Avec le soutien du Service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire, des Archives départementales du Cher et de l’Indre et de Ciclic, l’agence du Centre-Val de Loire pour le livre, l’image et la culture numérique. Financement: Région Centre-Val de Loire, avec le concours de la DRAC Centre-Val de Loire, de la communauté de Communes d’Éguzon-Argenton-Vallée de la Creuse, de la Ville de Vierzon, ainsi que du Syndicat mixte du Pays Loire Val d’Aubois.

Dans le cadre de la recherche VIVAMEMORI, des chercheurs de l’Université de Tours du CETU ETIcS ont recueilli le témoignage filmé d’ancien(ne)s salarié(e)s du secteur de la chemiserie afin de constituer une archive inédite destinée à être partagée auprès d’un large public. La méthodologie employée repose sur l’entretien semi-directif en face à face, une technique propre à l’enquête qualitative sociologique. Les entretiens sont l’occasion pour les témoins de raconter la vie des ateliers, d’évoquer l'histoire des coopérations, les conditions d'apprentissage et les conditions de travail, de décrire l’organisation du travail et le rapport à l'encadrement, de se souvenir des gestes techniques et des tours de main, mais aussi de la pénibilité de certaines tâches, sans oublier la fierté du travail bien fait, le bruit, les solidarités et les conflits du travail. Ce dossier en présente une sélection d’extraits qui font écho aux archives réunies par Ciclic. Enquête et réalisation : Céline Assegond et Alexandre Palezis.

Souvenirs de Marie-Thérèse Gloméron, ancienne contremaîtresse "chez Graveraux"

Marie-Thérèse se remémore sa carrière professionnelle « Chez Gravereaux » (SOGEC/ Ets Rousseau) qui débute en 1960. Elle se souvient notamment de la gamme de prêt-à-porter Babyfil confectionnée dans l’atelier de Saint-Gauthier, mais aussi de l’Usine des Baignettes à Argenton-sur-Creuse. 

Premiers jours de travail à l'usine des Baignettes

Marie-Jeanne Thomas nous fait le récit de sa prise de poste à l’usine des Baignettes en qualité de mécanicienne en confection. C’était en 1968. 

Ghislaine Estève, ancienne mécanicienne en confection chez JCB confection

Ghislaine Estève évoque certaines étapes du montage d’une chemise dans l’entreprise « Bigrat ». L’entretien est illustré par des séquences du film « JCB confection » réalisé en 1998. On voit notamment Ghislaine Estève effectuer l’ourlet pan liquette d’une chemise.

Travailler en musique

Ghislaine Estève et Chantal Dupont, anciennes ouvrières en confection. Les deux amies se souviennent de la musique qui était diffusée dans les ateliers. 

 

Cet article est co-construit en partenariat avec la recherche Vivamemori de l'Université de Tours ainsi qu'avec la contribution du musée de la chemiserie et de l'élégance masculine d'Argenton-sur-Creuse. Ciclic vous invite à vous rendre sur le site Les Gravereaux afin de continuer et d'approfondir vos connaissances sur cette famille et l'industrie de la chemiserie.

Raymond Gesell est né à Paris le 12 octobre 1912. Il était photographe et artiste peintre. Au moment de la guerre, Raymond Gesell, qui vivait encore à Paris, est envoyé en Allemagne mais parvient à s'enfuir et entre dans la résistance. En 1945, les Gesell ouvrent un commerce de photographie à Argenton-sur-Creuse. A partir de cette date, Raymond Gesell tourne des actualités sur les communes d'Argenton-sur-Creuse, de Saint-Marcel et du Pêchereau. Après guerre, avec des amis, Raymond Gesell fonde le Ciné Photo Club Argentonnais.

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