Les cheminots orléanais pêchent à la Ferté-Saint-Aubin

Durant les années 1950, Pierre Girard prend régulièrement sa caméra 9,5mm pour filmer les activités et sorties du comité des loisirs des cheminots d'Orléans. Mais l'une d'elles attire particulièrement son attention : l'annuel concours de pêche.

Au XIXème siècle, la pêche de loisir reste marginale en France. Jusqu'à cette époque le droit de pêche est réservée aux seigneurs, il faut attendre le 15 avril 1829, et l’article 5 d’une grande loi sur la pêche fluviale, pour qu'il soit (enfin) "permis de pêcher à la ligne flottante tenue à la main dans les fleuves, rivières et canaux navigables".

L'activité devient populaire au début du XXème siècle. À cette époque, notamment dans la grande région parisienne, elle se développe plutôt pour son ambiance au bord de l'eau avec canotiers, lavandières et locations de barque. Les pêcheurs endimanchés prennent le train et la petite bourgeoisie débarque ainsi sur les bords de la Seine et de l'Oise. À Toulouse, les gens posent même pour la postérité avant d'aller faire l'ouverture de la pêche le long de la Garonne. Mais le grand pas se fait dans les années 1930, avec le Front Populaire, où la pêche se démocratise et se popularise, attirant notamment les employés de bureau, les fonctionnaires ou les artisans. En quelques dizaines d'années la pêche élitiste est devenue de masse, entraînant en 1941, sous le régime de Vichy, l'instauration d'un permis de pêche national.

L'après Seconde Guerre Mondiale voit se développer sur tout le territoire un phénomène aux rites immuables : le concours de pêche. Ce moment de sociabilité de groupe est souvent organisé à l'occasion des fêtes locales, mais peut aussi être, comme dans ces films de Pierre Girard, une occasion annuelle de se retrouver entre collègues pour un moment de détente hors des contraintes du travail.

La Ferté-Saint-Aubin, terrain de jeu des cheminots pêcheurs

Chaque année durant les années 1950, le comité des loisirs des cheminots d'Orléans organise son grand concours de pêche sur les rives du Cosson à la Ferté-Saint-Aubin, et Pierre Girard n'oublie jamais d'y emmener sa caméra.

Arrivés évidemment par le train, les nombreux participants se déplacent en groupe dans la ville. Ce traditionnel défilé, mené par une fanfare, conduit pour commencer à un non moins traditionnel instant de recueillement (qui se déroule ici le plus souvent à ce qui deviendra, en 1984, la Nécropole Nationale de Bellefontaine, regroupant 78 tombes et cénotaphes de résistants victimes de la répression nazie en Sologne), puis ramène les cheminots et leurs familles en ville, toujours cannes à l'épaule.

Le concours de pêche peut ensuite commencer. S'il est bien l'activité centrale de ces journées, il représente surtout une occasion de se retrouver et de s'amuser ensemble au bord de l'eau, lors de différents jeux ou lors de danses et de chants sur un parquet. Et, quand la fin de la journée s'approche, tout le monde se retrouve en ville pour une remise de prix dans la bonne humeur et le sourire.

Installez-vous confortablement dans l'herbe, posez votre ligne et laissez-vous attraper par le récit de ces concours de pêche sur Mémoire.