Le peintre Pierre Bonnard en 1946

Ce film amateur fait partie des 47 films réalisés par l'éditeur d'art Joseph Forêt, confiés à Ciclic par la Ville d'Issoudun.

Joseph Forêt, en parallèle de ses nombreuses activités d’éditeur d’art, s’attacha à conserver avec sa caméra 16mm Bell & Howell, des images de ses nombreuses rencontres artistiques. Cet autodidacte passionné sut approcher les artistes, écrivains et philosophes parmi les plus marquants de la première moitié du XXe siècle et les filmer comme on filme la famille. Ses premiers films datent de l’été 1944, il filme du 64 rue Lafayette dans le 9e arrondissement de Paris, adresse des bureaux de sa maison d’édition d’art et de timbres, puis l’ambiance de Paris après sa récente Libération, place de la Concorde et Eglise de la Madeleine.

Puis très vite, la caméra de Joseph Forêt se tourne vers les artistes peintres. Les deux films sur Pierre Bonnard sont les premiers d'une longue collection qui va s'étendre sur vingt ans.

Ciclic vous propose ces images de Pierre Bonnard tournées en 1946, quelques mois avant la mort de l'artiste, à la Villa Le Bosquet au Cannet (Alpes-Maritimes),

Portrait à la Villa Le Bosquet

Joseph Forêt vient le 13 avril 1946 à la ‘’Villa Le Bosquet’’ présenter à Pierre Bonnard le petit film de 8mm pris au cours d'une promenade faite à Saint-Tropez en 1945 en compagnie de Marguerite Maeght et du peintre André Marchand (image ci-dessus).

Il en profite pour le filmer à nouveau devant la façade sud de la villa que Bonnard a achetée en 1926 pour Marthe de Méligny, une Saint-Amandoise, de son vrai nom Maria Boursin, qui fût durant près de 50 ans son épouse et sa muse. Maria est morte le 26 janvier 1942, cela fait déjà quatre ans. Le jour de cette rencontre, que Forêt décrit dans quelques notes sommaires conservées par le Centre de la mémoire de la Ville d’Issoudun, Bonnard semble très fatigué : « …visite que j’ai faite à Pierre Bonnard un matin de printemps. D’habitude réticent à se faire filmer, il hésita un peu, ensuite il voulut bien, mais sans plus. Aussi c’est avec beaucoup de patience et de subtilité que je pus prendre ce court métrage. De temps à autre il me disait : - c’est assez, ça vous suffit. - Mais non, car je crains d’avoir fait des ratages et en prenant plusieurs photos je pourrai en avoir d’excellentes. - Ah bon. Il est midi et demi quand je me retire. Je sens que je l’importunerai si je continue à le filmer, aussi je n’insiste pas.». Après quelques plans rapprochés, Joseph Forêt le filme faisant quelques pas dans le jardin et discutant avec son jardinier, humant quelques fleurs.

Les prises de vues se sont faites à deux périodes distinctes, peut-être les 13 et 14 avril et peut-être plus tard, en mai comme l’indique une autre note. Le premier jour, Pierre Bonnard, assis sur un banc devant la villa, pose légèrement gêné et impatient, le cou enveloppé d’une lavallière de soie, il porte des chaussons de jardin. Plus tard, un homme et une femme lui parlent, peut-être son neveu et sa nièce, Robert et Renée Terrasse. Bonnard est plus gai et porte un chapeau d’été, le soleil est plus vif.

Ces images animées de Pierre Bonnard huit mois avant sa disparition sont rares, et on ignore à ce jour quelles étaient les intentions de Joseph Forêt. Il découvre les possibilités du cinéma amateur en 1944, filme la vie autour des artistes peintres dans le sud de la France, Cannes, Mandelieu-la-Napoule, Nice, Bandol, Toulon en 1945. Parmi les images du récent débarquement de Provence, des repas et des fêtes avec Aimé et Marguerite Maeght, galeristes, André Marchand, artiste peintre, et quelques inconnus. Forêt se déplace beaucoup au volant de sa Delahaye, la Marne, la Lorraine, Nancy, Strasbourg, Londres et Paris, pour son travail d’éditeur et de philatéliste.

Prochain épisode des aventures artistiques de Joseph Forêt : Bernard Buffet. 

Le fonds Joseph Forêt : Mémoires écrits à la fin de sa vie. Dossiers et documents manuscrits ou tapuscrits composant les mémoires de Joseph Foret, illustrés de nombreuses photographies, coupures de presse, documents divers, correspondance, films. Archives conservées par Mme Broutta, collaboratrice de J. Foret de 1957 à 1965 et données à la Ville d’Issoudun en 2013.

Pierre Bonnard est l’un des grands maîtres de la peinture du XXe siècle. En témoigne la rétrospective que lui consacra le Musée d’Orsay au Printemps 2015. Né en 1867 et décédé en 1947, la personnalité de Bonnard s'est façonnée entre la fin de l'impressionnisme, le mouvement nabi dont il est l'un des principaux artisans, pour ensuite s'affranchir de tout courant artistique et de toute convention. Sous une apparence de tranquille simplicité, l'œuvre de Bonnard se révèle singulière, complexe, pleine de nuances et comme détachée du temps. Peintre de personnages, figures, nus, portraits, paysages animés, intérieurs, natures mortes, fleurs et fruits, Bonnard est inclassable. Il a côtoyé tous les mouvements dans la peinture de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, son œuvre a la particularité d’être marquée par la recherche continuelle du bonheur et de la lumière.

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