Le Japon de 1930 d'Eugène Pépin

La particularité du parcours d'Eugène Pépin réside dans la variété de ses expériences. Homme polyvalent, il fit de multiples voyages à l'étranger et s'intéressa à de nombreux domaines : l'histoire, le droit, la politique, mais aussi l'aviation et la photographie. De 1930 à 1933, il fut le conseiller juridique du Ministère des Affaires Etrangères du Japon. A cette époque, il tourna plusieurs films en format 16 mm lors de ses excursions sur l'archipel nippon. Bien que sa carrière atteignit une dimension internationale, il resta attaché à sa région natale, la Touraine.

Eugène Pépin naît le 27 juin 1887 à Chinon (Indre-et-Loire) et décède le 27 avril 1988, à l'âge de 101 ans. La diversité de ses études témoigne de sa grande curiosité : il se forme à l'École des hautes études commerciales de Paris, obtient une licence en droit et étudie les lettres. Il réalise également deux thèses, l'une en histoire du droit et l'autre en sciences juridiques. La Première Guerre mondiale débute alors qu'il a achevé ses études. Il combine ses talents de photographe et d'aviateur pour devenir un véritable pionnier en matière de réalisation et d'interprétation de photographies aériennes.

Anecdote : Durant la Première Guerre mondiale, il totalise plus de 1000 heures de vol, parfois sous la menace des avions allemands.

Une fois la Grande Guerre achevée, Eugène Pépin poursuit une carrière de diplomate au sein du Ministère des Affaires Etrangères en occupant différents postes : secrétaire du Comité de rédaction de la Conférence de la Paix, chef de la section juridique du service français de la Société des Nations, rapporteur du comité de rédaction de la Conférence de codification du droit international de La Haye, etc... Ses fonctions lui offrent l'opportunité de voyager à travers le monde. Entre 1930 et 1933, il séjourne notamment au Japon et y filme ses découvertes et ses rencontres. Au moyen de sa caméra, le diplomate nous entraîne à la découverte du pays du soleil levant et de sa beauté, entre démonstrations d'arts martiaux et de danses, défilés en costumes traditionnels, cortège(s) de guerriers samouraï ou encore moments de détente dans une ochaya – salon de thé où officient les geishas – et aux abords d'un lac.

Dans un florilège de films de voyage, nous accompagnons le cinéaste dans ses excursions à travers les paysages montagneux de l'archipel. Le lac Ashi à Hakone est le lieu de détente de prédilection pour les tokyoïtes qui souhaitent s'évader un temps de la capitale, située à 80 kilomètres de là. Par temps clair, le Mont Fuji – Fuji-san comme le nomment les japonais – est visible. Au détour d'une promenade, nous admirons l'art des jardins japonais, fascinés par la familiarité des carpes koï qui peuplent les bassins et par les ornements emblématiques, telle cette statue de tanuki. Pépin se munit également de sa caméra pour mettre en lumière des festivités et coutumes locales : course équestre avec des guerriers en tenue traditionnelle, défilé de samouraïs à cheval et démonstration de combats en plein air. A l'occasion d'un autre festival, nous découvrons un impressionnant défilé d'hommes en costumes. Certains d'entre eux portent le mikoshi, un sanctuaire shintoïste transportable, que l'on retrouve très fréquemment dans les festivals japonais, encore aujourd'hui. A chaque fois, le public est très nombreux à venir assister à ces grands évènements, signe de l'importance qu'y attribuent les japonais depuis plusieurs siècles.

     

Un des arts qu'apprécia particulièrement Eugène Pépin durant son séjour est la danse. En effet, il filme à différentes occasions, en intérieur ou en extérieur, un ou plusieurs danseurs, hommes ou femmes. Il nous fait découvrir des représentations de bugaku, qui étaient autrefois réservées aux élites de la cour impériale. Cette danse se caractérise par des gestes lents et précis, la beauté de ses costumes et la musique particulière qui l'accompagne, le gagaku. Elle s'accomplit sur une scène carrée, le plus souvent de 5,5 mètres de côté. Dans une autre séquence, c'est la danse classique japonaise (Nihon buyô) qui est mise à l'honneur avec un spectacle donné par Midori Nishizaki, fille du danseur et chorégraphe Baku Ishii. Le visage impassible, les mouvements sont relativement lents et doux – restreints par le port du kimono – et généralement accompagnés de musique jouée au shamisen (luth muni de trois cordes). Des accessoires peuvent également être intégrés à la chorégraphie, tels qu'un éventail, une ombrelle ou un tenugui – une petite serviette en coton.

Cette danse figure d'ailleurs parmi les nombreux arts que doivent maîtriser les geishas, nom qui signifie littéralement « personne qui pratique les arts ». Dans le cadre d'un banquet (zashiki) auquel Eugène Pépin est convié, ce dernier profite de l'occasion pour se munir de sa caméra et filmer les moments de divertissement en compagnie de geishas et d'amis, dont le compositeur et pianiste Henri Gil-Marchex. Le saké coule à flot, les danses se succèdent et les petits jeux se multiplient : l'amusement et l'allégresse résument parfaitement ces instants loin du pays natal. Pour terminer ce tour d'horizon du Japon, Eugène Pépin filme une démonstration de judo ou d'aikidô dans un dojo. Issus de techniques guerrières médiévales, les arts martiaux (budô) occupent une place importante dans la culture nippone. De même que le judo et l'aikidô, le karaté et le kendô ont vu leur pratique être introduite dans le reste du monde ; ils sont aujourd'hui très répandus en Occident. Ne s'arrêtant pas à de simples techniques de combat, ils comprennent également une dimension morale et spirituelle.

     

Vrai ou faux ? "Les geishas peuvent se prostituer". C'est faux, elles ne l'ont jamais fait. C'est en 1779 que le gouvernement japonais reconnaît officiellement la profession de geisha, avec interdiction stricte de se prostituer. L'une des raisons de cette fausse croyance vient du fait que, avant que les deux professions ne soient clairement différenciées, geishas et prostituées (yûjo) travaillaient conjointement au quartier des plaisirs. La similitude de leur tenue et de leur maquillage – mais pas de leur rôle – a contribué à créer cette confusion.

En 1933, Eugène Pépin quitte son poste de conseiller juridique au Japon et retourne au Ministère des Affaires Etrangères français pour travailler sur les relations avec l'Amérique latine. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il occupe successivement différents postes au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale. En 1957, il investit le champ de la recherche et de l'enseignement dans le droit aérospatial en participant à la fondation de l'Institute of Air and Space Law à l'université McGill (Montréal, Canada). Alors qu'il est âgé de plus de 70 ans, Pépin est la première personne dans le monde à donner un cours sur le droit aérospatial. Au printemps 1964, il intègre la Société archéologique de Touraine, dont il devient le Président en 1970. Ainsi, cette longue carrière lui aura donné de multiples occasions de tourner des films, en Touraine et un peu partout dans le monde.

D'autres voyages filmés par Eugène Pépin sont à découvrir sur Mémoire : Inde, Cambodge, Mexique, Chili, Bolivie, Pérou...

Commentaires

Tres belle description sur la vie de mon père Merci de le faire connaitre

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