Le château de Chambord dans l'oeil des cinéastes amateur

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Construit à partir de 1519 au cœur d'un immense domaine des environs de Blois, au bord de la rivière Cosson, le Château de Chambord est le plus vaste et sans doute le plus célèbre des Châteaux de la Loire. Démonstration de puissance voulue par François Ier, ce fleuron de la Renaissance fête cette année ses 500 ans, au diapason de celui qui a inspiré son architecture unique, le génial Léonard de Vinci.

Tour à tour seigneurie médiévale, relais de chasse, apanage de hauts dignitaires étrangers, puis d'un prétendant au trône de France en exil, Chambord est le seul domaine royal français qui nous soit parvenu dans son intégralité et le plus vaste parc clos d'Europe. Point de basculement entre l'aspiration gothique à l'élévation et la géométrie néoplatonicienne de la Renaissance, le château émerveille le visiteur par d'innombrables inventions architecturales comme les proportions parfaites de son donjon ou la structure en double hélice de son célèbre escalier à vis.

Une icône de la culture populaire

Auréolé du prestige de son commanditaire et des artistes qui lui donnèrent vie - de Léonard à qui l'on en attribue souvent les plans à Molière qui y créa Le Bourgeois Gentilhomme - Chambord est une fierté française. Un trésor définitivement acquis et restauré par l'Etat depuis 1930. Inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1981, le domaine est aussi entré dans la culture populaire contemporaine par la magie du cinéma et de l'image animée.

Les premiers films de famille tournés sur l'ancien domaine royal remontent d'ailleurs aux balbutiements du cinéma amateur dans les années 1930, au moment même où Chambord rouvre ses portes au plus grand nombre. Les nouvelles caméras portatives destinées au « grand public » représentent à l'époque un important investissement financier et seuls quelques touristes privilégiés peuvent alors témoigner de leur visite. Ils s'appellent René Duval, médecin spécialiste des maladies respiratoires à l'hôpital d'Orléans, ou encore Paul Thiolat, représentant d'une célèbre dynastie d'industriels blésois, et filment autour du château les promenades de familles élégantes portant chapeaux et longs manteaux bordés de fourrure.
        
Une standardisation des prises de vue

Avec l'instauration des congés payés, puis la démocratisation du cinéma amateur après-guerre, les films se multiplient. La demeure et son parc prennent des couleurs. Etape incontournable des voyages scolaires et de la route des vacances, la visite des châteaux de la Loire semble n'exister que pour servir de prélude à la découverte du plus cinégénique d'entre eux: le spectaculaire domaine de Chambord. Ce dont témoignent les films de René Deroche (1950), Jean Loye (1955), Robert Crépin (1959), Fernand François (1960), ou encore André Arsicaud (1970). Dès lors, les images amateur de Chambord connaissent une forme de standardisation au fil d'un parcours bien réglé pour le tourisme de masse. Panoramiques et vues d'ensemble dans l'axe de la façade nord, contournement du château par la place Saint-Louis pour admirer la façade sud et pénétrer dans la cour d'honneur par la porte Royale. Parfois un plan des jardins ou du grand parc depuis les terrasses, ou mieux depuis un engin volant comme la montgolfière empruntée par Jean Malard en 1967 ou les petits avions d'Henri Guilbert (1979) ou de Jean-Michel Regneau (1980). Plus rarement un beau travelling du parc ou un témoignage de la périlleuse inspection des toitures comme chez Serge Guy (1955). Et toujours en vedette la tour lanterne filmée avec plus ou moins de succès.

                      

Irruption de l'automobile et tourisme de masse

Un paysage immuable, à peine perturbé par le ballet des automobiles de plus en plus nombreuses. Cette irruption divertissante des véhicules à moteur dans les jardins de François Ier suscite d'ailleurs une attention particulière chez certains réalisateurs. Qu'ils soient passionnés d'automobiles comme Jean Malard (1961) et ses amis du « Club des 2CV » ou simples touristes comme Michel Huguet ou Jean Bornet qui découvrent Chambord respectivement en 1963 et 1970 à travers le pare-brise de leur véhicule, ils prennent soin de placer les autos au premier plan de leurs vues du château. Avec parfois une succulente séquence d'agent de circulation digne de la scène de rond-point imaginée par Jacques Tati dans Playtime. Chez Jean Bornet comme chez Christian Martin (1975), on distingue également aux abords directs du château, en bordure de la place Saint-Louis, les emblèmes nouveaux d'une société de consommation florissante avec ses stores commerciaux aux couleurs criardes et son étendard aux armes d'une célèbre marque de pellicules photographiques.

Il faut dire que depuis la fin de l'Ancien Régime et le pillage du château par les habitants des villages alentours, deux mondes se côtoient sur les rives du Cosson : l'attelage feutré des chefs d'Etats venus se confronter au frisson des chasses royales et le défilé des simples citoyens pressés de revendiquer leur part de grandeur. Ces deux univers se croisent parfois au détour d'un concours d'attelages tel qu'on peut en observer à travers l'objectif d'André et Jacqueline Poupinel ou de Xavier Thévot dans les années 1980, ou lors de spectacles équestres comme ceux qu'on pu saisir Gérard Minière (1983) ou Guy Baucher au détour de la 56ème Semaine fédérale de cyclotourisme en 1994. Clou du spectacle cette année-là : une rare et improbable séquence de parachute ascensionnel acrobatique à traction hippomobile sur le parterre nord du château. Une scène devenue impensable depuis que l'esplanade a été replantée en 2017 selon les plans commandés naguère par Louis XIV pour parachever l'oeuvre de son illustre aïeul.

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