La Moisson dans l'Indre

"La Moisson dans l'Indre" est le titre d'un film tourné par Pedro Abarbanell lors de vacances dans le Berry à Prissac à l'été 1950 ; un instantané tourné en 9,5 mm donnant à voir le travail des paysans et du monde agricole du sud de l'Indre quelques années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, tout aussi intéressant que la trajectoire individuelle de son auteur.

De Peter à Pedro Abarbanell ou l'itinéraire exceptionnel d'une vie

Peter Klaus Abarbanell Stransky (de son vrai nom) est né le 30 avril 1916 à Stettin (capitale de la province prussienne de Poméranie) en Pologne. En 1919 avec ses parents, ses deux frères et sa soeur, celui qui ne s'appelle pas encore Pedro s'installe à Berlin. Sa mère, Irma Abarbanell, attache beaucoup d'importance à la formation intellectuelle de ses enfants et leur ouvre très tôt l'accès à la musique classique et à l'art.

Avec la montée du national socialisme, sa condition de femme juive devient de plus en plus difficile. En 1933, elle part vivre chez une de ses sœurs dans sa ville natale de Prague, avec son fils Peter, âgé de 17 ans. Peter est le premier de sa classe et obtient son baccalauréat avec succès. À 20 ans, il parle couramment cinq langues.

Sa mère décide ensuite de repartir pour Berlin (déportée en 1941, il ne la reverra jamais). Peter la rejoint en 1935. Mais sans travail et n'ayant aucun avenir dans un pays dont la politique est hostile aux juifs, il décide à 19 ans d'émigrer en Espagne. Il trouve un travail de photographe de presse dans l'agence Keystone à Barcelone et prend le prénom de Pedro. Il y rencontre Ernest Hemingway.

En 1939, Pedro Abarbanell se réfugie en France avec les républicains espagnols fuyant la dictature de Franco. Il malheureusement est livré aux allemands par le gouvernement de Vichy. Il se retrouve à travailler dans une usine de ciment en Allemagne. Avec la complicité du chef de l'usine, il fuit pour le sud-ouest de la France. Il rejoint la résistance (avec le grade de lieutenant) et participe à la Libération de Toulouse.

À la fin de l'occupation il rejoint Paris où il travaille pour l'armée américaine. C'est à cette époque qu'il rencontre sa première femme Olga Thoumas dont les parents ont une maison secondaire à Prissac dans l'Indre. Ils se marient en 1946 et leur fille Evelyne naît en 1948.

"La Moisson dans l'Indre" et le monde paysan du Berry

Pedro Abarbanell commence à tourner des films en amateur en 1949 au format 9,5 mm. A l'été 1950, alors qu'il est en vacances auprès de sa belle-famille au lieu-dit "L’Âge" à Prissac, il saute sur l'occasion pour tourner un film sur l'activité importante des paysans du hameau : la moisson et les battages.

Ce film nous offre un témoignage documentaire très intéressant sur le monde paysan dans l'extrême sud de l’Indre en 1950. Le portrait que dresse  Pedro Abarbanell est celui d'un monde qui n'a subi peu ou pas de mutations d'un point de vue de la mécanisation ; et ce  malgré la mise en place du plan Marshall en 1947.

Au-delà de l’aspect documentaire, c’est l’aspect esthétique du film qui est à souligner. Du fait de son métier de photographe en Espagne, Pedro Abarbanell possède un réel sens de la prise de vue et de la composition des plans, en plus du travail de montage et de titrage.

Il filme avec beaucoup d'attention, de sens du détail et de chaleur, le travail les battages qui suivent la moisson ; un moment bien particulier où s'exprime l'entraide et la solidarité entre les paysans d'un même territoire lors de ces longues et rudes journées de travail estival.

Pedro Abarbanell tournera d'autres très beaux films 9,5 mm à Prissac jusqu'à la fin des années 1950, à la fois des films de famille mettant en scène sa fille, Évelyne, comme des films au sujet d'évènements locaux ou de la vie quotidienne.

Travaillant pour l’organisation d'entre-aide de l'American Jewish Joint Distribution Committee (AJDC) à Paris, il partira seul pour Genève en 1958. Il y rencontre sa deuxième épouse avec qui il vivra jusqu'à sa mort en 1989.

Commentaires

J'ai connu ce travail en 1958, mais avec les tracteurs ,c'était moins pénible!
Quel beau reportage à l'époque le travail était usant pour ces gens.
Je suis né en 1946

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