La mie du pain

À l'heure où la baguette française fait son entrée dans le patrimoine immatériel de l'humanité de l'Unesco, consacrant ainsi les savoirs-faire artisanaux et la culture du pain, Ciclic Centre Val-de-Loire vous invite dans le fournil de quatre boulangères et boulangers pour découvrir les multiples facettes de leur métier. Quatre films, tournés entre les années 1950 et 1990 nous donnent à voir les évolutions de l'activité de la boulangerie, tant sur les gestes et les pratiques, que sur le matériel utilisé. 

« Rien ne sert de discourir, il faut pétrir à point »

                         

Durant des siècles, le pétrissage, l'action de malaxer la pâte pour que farine, eau et levain s'unissent, s'est fait à la main, dans de grands coffres en bois appelés « pétrin ». Dans « Le pain à l'ancienne à Ardenais », la boulangère travaille le levain, la farine et l'eau, courbée au-dessus d'un pétrin en bois. On la voit délayer le levain dans de l'eau puis effectuer des gestes de fouettage de la pâte pour que les éléments s'incorporent. À partir des années 1920, le pétrin mécanique se démocratise et vient remplacer le pétrissage manuel dans presque toutes les boulangeries.

Dans « Notre pain quotidien », le boulanger contemple son pétrin mécanique, entraîné par une poulie, une courroie, et rattaché à un moteur externe. En effet tous les locaux n'étant pas encore électrifiés, un seul moteur fournissait l'énergie pour l'ensemble de l'activité. Les cuves des pétrins étaient à rotation libre et le boulanger pouvait freiner ou au contraire accélérer le mouvement de la cuve.

Une fois pétrie, le boulanger va prélever des morceaux à sa pâte, les peser et les travailler individuellement. Dans « Du fournil à la table », le pesage se fait à la main et à l'oeil, à l'aide d'une balance à fléau. On voit le geste du boulanger qui « boule » sa pâte, autrement dit qui la replie sur elle-même, pour lui redonner de la force; puis c'est l'étape du « façonnage » qui consiste à lui donner une forme particulière, avant de la déposer dans un petit panier en osier, le banneton, pour qu'elle repose.

 Le pétrin, la diviseuse et la façonneuse

Quand la fée électricité s'est répandue sur tout le territoire, les machine se dotèrent de moteur électrique individuel et une myriade de nouveaux équipements voient le jour à partir des années 1970. Toutes les étapes de fabrication du pain : pétrissage, boulage, façonnage vont pouvoir être totalement ou partiellement mécanisées

Dans « Dernières fournées d'un boulanger », l'artisan dispose de machines qui remplacent le travail manuel. Le pétrin s'est dotée d'une grille de protection et est branché directement sur secteur. La diviseuse, elle, permet de portionner des pâtons de même volume en un seul geste. Puis hop ! Le boulanger lance le morceau de pâte dans une façonneuse qui va en faire une baguette en un tour de main ! Euh … de tapis.

                                                         

« Il faut cuire le pain, tant que le four est chaud »

Les techniques de cuisson ont elles aussi subies de profondes mutations. Jusqu'au début du XXème siècle, on cuisait le pain au feu de bois dans des fours maçonnés annexés aux locaux de fabrication. Comme dans « Le pain à l'ancienne à Ardenais », la cuisson du pain se faisaient en deux temps. On faisait un feu directement dans l'enceinte du four et quand le four était chaud, on le débarrassait des braises et des cendres à l'aide du « Reu » (râble ou râcle dans d'autres patois) et on y enfournait les pâtons. Cette technique demande du temps et ne permet pas de faire de grosses quantités à la fois. Une demande grandissante et l'évolution de la gamme des pains vers une plus grande diversité motivent les fabricants pour créer de nouveaux systèmes de chauffe plus performants.

   

Dans « Notre pain quotidien », au moment de la « mise au four », le boulanger chauffe l'enceinte à l'aide de brûleurs lance-flamme raccordés au gaz de ville. C'est un système de chauffe qui a vu le jour lorsque le gaz et le fioul sont apparus sur le marché mais que l'on travaillait encore avec de vieux fours à bois. Ici, c'est un ancien four dit « à gueulard » où la combustion se faisait traditionnellement sous la chambre de cuisson. Mais cette technique de chauffe va disparaître en même temps que les vieux fours à bois.

L'arrivée sur le marché des fours en inox à gaz ou fioul à partir des années 1955-1960, composés de plusieurs étages et équipés d'élévateurs-enfourneurs signent la fin des fours à bois maçonnés. Dans « Dernières fournées d'un boulanger » on voit un petit four de la marque « Cervap Junior » qui innova en son temps avec l'invention d'un système de répartition de la chaleur dans le four grâce à des tubes où circulaient de la vapeur, dit aussi four à tubes annulaires.

 Le matériel dédié à la boulangerie a continué d'évoluer vers toujours plus de mécanisation et d'autonomisation dans les décennies qui suivirent, bousculant par la même la place et le rôle du boulanger au milieu de ce parc d'équipement. Depuis plusieurs années pourtant, une nouvelle génération de boulangères et de boulangers réinterrogent ces manières de procéder, en se réappropriant des pratiques anciennes tout en ne boudant pas l'apport des nouvelles technologies quand celles-ci soulagent le travail et améliorent la qualité finale du pain. On voit renaître de vieux fours à bois de leurs cendres, on refait du pain au levain, avec des blés anciens d'avant-guerre, on réinvente le métier de boulanger, bref on a du pain sur la planche !

Dans « Notre Pain quotidien », Bernard Vattan, meunier de son état et cinéaste amateur passionné, présente son film documentaire « du grain de blé à la miche dorée ». On suit, au fil des saisons, les différentes étapes de la fabrication du pain, depuis la culture du blé jusqu'au travail du boulanger, en passant par la meunerie. L'atelier où le pain est fabriqué est celui de la boulangerie de la famille Chigot à Verdigny (18).

« Du fournil à la table » est un film réalisé en 1949 par Bernard Anginot qui filme les parents de sa femme, alors boulangers à Millançay (41).

Les « Dernières fournées d'un boulanger » tourné par Lucien Berge en 1989. Il enregistre ses images dans une boulangerie de Courcelles-de-Touraine (37) où l'on voit mari et femme à l'œuvre pour la fabrication puis à la vente.

Enfin, dans le film « Du pain à l'ancienne à Ardenais » réalisé par Jean-Claude Laporte au lieu-dit « La Borde » (18) en 1986, nous suivons Jacqueline Vacher dans la fabrication du pain de manière traditionnelle, comme il était fait pendant des siècles, avant l'arrivée de la mécanisation.