La Maison Picassiette à Chartres

Mort le 7 septembre 1964, né le 8 septembre 1900 et à l'honneur sur Mémoire le 9 septembre 2020, Raymond Isidore, dit Picassiette, aurait eu 120 ans hier. À cette occasion nous vous proposons de découvrir sa création grâce à un film témoignage de Robert Parlange réalisé en Super8 en 1983.

Le 14 novembre de cette année 1983, la Maison Picassiette est classée monument historique. 53 ans plus tôt, le 15 août 1930, Raymond Isidore, fondeur puis balayeur au cimetière municipal, s'y installe avec sa femme et les deux fils de celle-ci. Sur un terrain en friche acquis en 1928, rue des Rouliers à Chartres (actuelle rue du Repos), il a bâti seul une maisonette sans étage, sans eau courante ni commodités.

En 1938, il commence à la décorer. Ses matériaux de prédilection sont les débris de vaisselle récupérés dans les décharges, d'où le surnom de Picassiette, c'est-à-dire Picasso de l'assiette, donné par ses voisins. Il raconte être tombé en se promenant sur des morceaux de verre et de porcelaine dont la couleur lui plaisait, et avoir ensuite eu l’idée d’en faire une mosaïque.

J’ai d’abord construit ma maison pour nous abriter. La maison achevée, je me promenais dans les champs quand je vis par hasard, des petits bouts de verre, débris de porcelaine, vaisselle cassée. Je les ramassais sans intention précise, pour leurs couleurs et leur scintillement. J’ai trié le bon, jeté le mauvais. Je les ai amoncelés dans un coin de mon jardin. Alors l’idée me vint d’en faire une mosaïque, pour décorer ma maison. Au début je n’envisageais qu’une décoration partielle, se limitant aux murs

Picassiette se consacrera à son oeuvre jusqu'en 1962. Lorsque qu'il n'a plus de place pour ajouter quoi que ce soit à l'intérieur de la maison, il s'attaque à l'extérieur. Après les murs de la maison, ce sont les allées et les murs d'enceinte du jardin qui sont l'objet de ce travail de décoration.
Sa fin de vie, dans son espace saturé de mosaïques, est tragique. Son inspiration tarie, lui-même épuisé, il connaît des troubles mentaux et, par une nuit d'orage, il s'enfuit de chez lui à travers les champs, en proie à un délire de fin du monde. Retrouvé et ramené chez lui, il meurt peu après le 7 septembre 1964.

Une oeuvre d'architecure naïve

Acquis par la commune de Chartres en 1981 et dépendant aujourd'hui de son Musée des Beaux-Arts, cet ensemble est devenu un lieu incontournable de visite dans la ville. Digne succcesseur du facteur Ferdinand Cheval et de son Palais Idéal, Picassiette y a crée un monde imaginaire avec une iconographie mélangeant différentes cathédrales de France, la Vierge, le Christ, la Tour Eiffel et diverses statues. Son oeuvre est typique de l'architecture dite naïve, marginale ou populaire. Ces constructions édifiées par des personnes autodidactes sans aucune formation artistique, qui ne sont en fait que la décoration de l'habitation dudit créateur, sans aucun but fonctionnel.

La force du film de Robert Parlange est justement de remettre la réalisation de Raymond Isidore à sa place, celle d'un créateur qui fait oeuvre sans intention artistique. Il réussit à nous faire percevoir cette réalité en accompagnant les images de l'édifice d'un commentaire résultant d'un entretien avec un voisin de Picassiette, Robert Benoît. Aux premières loges pour témoigner du quotidien de Raymond Isidore, sa parole permet de saisir toute la dimension näive et sans prétention de la création du Picasso de l'Assiette.

Voici donc une visite de la Maison Picassiette qui ne pourra que vous surprendre par le nombre et la richesse de ses créations.

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