L'emballement du Pont-Neuf !

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Le 22 septembre 1985 Christo Vladimiroff Javacheff et Jeanne-Claude Denat inaugurent un projet fou imaginé depuis plus de 10 ans : emballer le Pont-Neuf de Paris. Présente sur les lieux, par une belle journée ensoleillée, Dominique Laplace cinéaste amatrice a filmé en Super 8 les parisiens intrigués foulant les mètres de tissus du plus vieux pont de Paris.  

Christo et Jeanne-Claude, amoureux fusionnels nés le même jour, le 13 juin 1935, ont imaginé et conçu tout au long de leur vie d'artistes l'empaquetage par des kilomètres de tissus de bâtiments, monuments, parcs ou paysages, pour un temps de représentation limité à 15 jours environ. Ils captent à leur façon la beauté, l'usage et la symbolique d'un endroit qu'ils "révèlent en le cachant". Dans une parfaite complémentarité, des projets gigantesques d'empaquetage sont sortis de leur imaginaire comme pour le musée d'art contemporain de Chicago en 1969, une falaise au sud de Sydney en Australie en 1969 ou encore le Reichstag de Berlin en 1995. L'aspect le plus fascinant de leurs créations réside dans l'opposition entre les années passées à les concevoir et la restitution publique totalement éphémère. 

Pour Christo : " l'urgence d'être vu est d'autant plus grande que demain tout aura disparu.... Personne ne peut acheter ces oeuvres, personne ne peut les posséder, personne ne peut les commercialiser ni vendre de billets pour les voir... Notre travail parle de Liberté ". 

Le projet d'emballer le Pont-Neuf long de 140 mètres et large de 20.5 mètres, Christo et Jeanne-Claude y pensent depuis les années 1970, mais ce n'est qu'après un long travail de conception, de recherches de fonds, d'études architecturales et d'obtention d'autorisations, notamment de Jacques Chirac, maire de Paris, et Jack Lang, ministre de la Culture, que l'emballement peut commencer en 1985. Il aura nécessité 40 000 m2 de tissus fabriqués en Allemagne mais cousus à Armentières par une quinzaine de personnes. Une autre entreprise française, les Corderies Clément, fournissent les onze kilomètres de cordes qui fixent la toile couleur des pierres de Paris. Plus de 300 personnes seront mobilisées dont des alpinistes et des hommes grenouilles pour fixer le tissu sous les arches du pont.

En cette lumineuse journée de 1985, madame Dominique Laplace, installée à Paris où elle travaille dans l'organisation des voyages des employés de Paribas, mais originaire d'Argenton-sur-Creuse, promène sa caméra Super 8 Bauer. Elle commence par un zoom arrière filmé du Pont des Arts pour ensuite englober chaque angle de l'oeuvre en captant les subtils reflets changeants que le majestueux tissu irradie selon l'heure et la lumière.   

Beaucoup critiquées au début de leur carrière, les créations parfois pharaoniques du couple finiront par être salués non seulement par le public impressionné par la prouesse technique mais aussi par la majorité des médias et des professionnels de l'art contemporain. Tenant leur promesse de ne jamais faire payer les spectateurs ni de dépendre de subventions, toutes leurs interventions seront entièrement subventionnées par la vente de dessins préparatoires ou personnels. 

Jeanne-Claude, femme à la crinière orange, expliquait : "Chaque projet est comme notre enfant, mais notre préféré est toujours le suivant "... Elle est décédée en 2009, Christo en 2020. Leur ultime enfant posthume sera l'emballement de l'Arc de Triomphe, initialement prévue pour l'automne 2020 et reportée d'un an du samedi 18 septembre au dimanche 3 octobre 2021.