1937, l'Aviation Populaire

Devant la montée en puissance des dictatures autour de la France (Allemagne, Espagne, Italie) les dirigeants du Front Populaire savaient que l’Armée de l’Air ne serait jamais en nombre suffisant de pilotes. Il faut donc recruter et former de futurs aviateurs, c'est en partie pour cela que le gouvernement lance "L'Aviation Populaire".

En mai 1936, l’arrivée au pouvoir du Front Populaire dans un contexte international difficile, va bouleverser la société française. Un mouvement de grève générale oblige le gouvernement Blum à prendre des mesures importantes pour contenter la population et relancer l’économie : congés payés, semaine de 40 heures et hausses de salaires. L’état de l’aviation et, en particulier de l’aviation privée qui n’a pas réussi à s’ouvrir au plus grand nombre malgré les aspirations de la jeunesse, sert alors à Pierre Cot, ministre de l’Air du gouvernement de Léon Blum, pour justifier le lancement d’une politique hardie et novatrice, l’Aviation Populaire.

L'Etat veut offrir à tous les jeunes qui veulent voler la possibilité de rejoindre une Section d’Aviation Populaire (S.A.P.), au sein d’un aéro-club. Des moyens importants sont votés pour financer cette politique, dont l’objectif est aussi de former de futurs personnels pour l’armée de l’Air. Les écoles, les collèges, les lycées de la Région Centre-Val de Loire, région engagée dans l'aéronautique depuis le début du XXe siècle, se mettent à l'oeuvre en initiant des ateliers de sensibilisation par l'aéromodélisme et des cours théoriques d'aérodynamisme et de mécanique. L'objectif évident est de favoriser l'orientation des futurs ouvriers et ingénieurs vers la construction aéronautique et notamment la Société Nationale de Construction Aéronautique (SNCAC - Bourges, Châteauroux) mais aussi de favoriser des vocations de pilotes.

  

Jusque-là réservée à quelques élites, intellectuelles et financières, l’aviation est une activité élitiste et un marqueur social. Les trajets en avions de ligne étaient dispendieux, l'armée de l'air réservait ses avions de chasse aux officiers. Pierre Cot, avec l’aide du Ministre de l’Éducation Nationale de l’époque Jean Zay, présenta un programme visant à répandre l’aviation auprès du plus grand nombre. Bien entendu cette idée ne faisait pas l’unanimité, notamment auprès des militaires français, héritiers de vieilles traditions qui voyaient mal l’aviation tomber entre les mains des petits artisans, des commerçants, et surtout des ouvriers.

Pierre Cot, modeste aviateur, pilote amateur, comptait s’appuyer sur un réseau d’aéroclubs. En 1932, il n’existe que 90 aéroclubs en France mais ils seront 324 en 1937. Les responsables de l’Aéro-Club de France voyaient aussi en l’Aviation Populaire un moyen de se développer de manière importante. Finalement lorsque la France entre en guerre aux côtés du Royaume-Uni contre le Nazisme, l’Aviation Populaire a formé plusieurs milliers de nouveaux aviateurs. En 1939, le rapporteur du budget de l’air signale que 3500 élèves ont passé leur brevet de tourisme 1er degré et 1250 le 2ème degré grâce à l’Aviation Populaire. Ils pourront venir gonfler les rangs d’une Armée de l’Air totalement inadaptée à l’affrontement contre la Luftwaffe, les nouveaux chasseurs français Bloch MB 150 n’étant livrés qu’en septembre 1939.

Aujourd’hui, on voit les traces laissées par l’Aviation Populaire dans les nombreux aéroclubs métropolitains. L’aviation de tourisme tire en partie ses origines du programme de Pierre Cot et Jean Zay.

TOURS - Air Touraine

A Tours, Air Touraine, issu de la fusion des aéro-clubs tourangeaux, fait partie des premiers à ouvrir une section. Le vol à voile devient une étape vers le brevet de pilote de tourisme. Le ministère dote la Section d’Aviation Populaire de deux planeurs XI-A et XV-A, en plus des planeurs d’Air Touraine. Le club Air-Touraine, présidé par le général Emile Muiron, s’est lancé à fond dans le projet. Sans se soucier de politique. Plusieurs centaines de jeunes se sont inscrits. Ils venaient de l’école des cheminots de Saint-Pierre-des-Corps, de familles de commerçants, d’artisans, parfois de milieux plutôt aisés. Le club devient rapidement un des plus gros de France avec près de 400 membres, parmi eux, Jean Tulasne, lieutenant à la base défense d’Avord. Air-Touraine, c’est aussi une section vol à voile, une section modèles réduits et, dès octobre 1936, la section de l’Aviation populaire. Le moniteur en chef de la section de vol à voile de la SAP Air Touraine est Jean Anthonioz, ancien pilote militaire.

CHATEAUROUX – LA MARTINERIE - Aéro-Club de l'Indre

C'est en 1925 que quelques anciens pilotes de la guerre de 1914-1918, fondèrent l'Aéro-Club de l'Indre. Sous la direction du Capitaine de Bondy, le club s'installe sur la partie nord-est du terrain militaire de la Martinerie avec un avion Morane 149. En 1936, avec l'achat d'un Caudron Luciole, le club prend vraiment son essor. A cette époque, les Sections de l’aviation populaire initiées par l’Etat entrainent un nouveau départ. Les écoles, collèges et lycées de la région initient dans les classes de dessins et travaux manuels à la confection de planeurs, les élèves sont initiés aux théories de l'aérodynamique : le collège Balzac à Issoudun, l'École Primaire de Moulins-sur-Cephons, le Lycée de Châteauroux. La conséquence fait que l'Aéro-Club de l'Indre accueille 250 inscrits au pilotage. L'écurie du club se composait de quatre Luciole, un Henriot 16, deux Cricri Samson. Deux moniteurs supplémentaires vinrent renforcer les deux moniteurs en place. Les heures de vol et le matériel étaient payés par l'État. Il n'en coûtait aux membres qu'une modeste cotisation. L’Aéro-club de l’Indre, comme beaucoup d'autres, fut le berceau de nombreux pilotes militaires et professionnels.

Vous pourrez visionner ci-dessous les nombreux extraits couvrant la section scolaire du Collège Balzac d'Issoudun, la S.A.P. de Châteauroux, grands et petits, la section scolaire de l'école primaire de Moulins-sur Cephons, la section scolaire du Lycée de Châteauroux. Toutes situées dans les abords de La Martinerie où se construisaient, à Déols entre 1936 et 1937, les usines d'aviation Bloch. Le 16 janvier 1937, la société des Avions Marcel Bloch est intégralement nationalisée. L'usine de Châteauroux-Déols rejoint la SNCAC, Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre.

Ces films proviennent des fonds Joseph Limousin et Charles Petiot De Laluisant. De Joseph Limousin, on connaît beaucoup de choses, 35 films ont été déposés à Ciclic par son fils. Joseph Limousin était un patron d’entreprise, lié à la famille Biard, quincaillier à Châteauroux, et créateur des produits Balma. Le film exceptionnel que nous vous présentons sur cette période de l’Aviation Populaire faisait partie du fonds, il s’agit très probablement d’un film de club, réalisé à plusieurs mains. Les qualités techniques de Joseph Limousin ne sont pas à démontrer, il aidait le célèbre explorateur François Balsan dans le montage de ses films. On sait peu de choses sur Charles Petiot De Laluisant, si ce n’est qu’il a une trentaine d’année au moment où il filme ces images en 8mm sur l’aéro-club d’Air Touraine, promenade du dimanche ou intérêt manifeste pour l’aviation de cet homme de 37 ans qui travaillait pour la Société des Charbonnages de France et qui utilisait peut-être l’avion régulièrement. L’intérêt du film étant de nous révéler, en arrière-plan, la toute nouvelle aérogare civile dessinée par Pierre Lacape et inaugurée les 23 et 24 juillet 1938. Cette belle construction n’aura qu’une existence éphémère car elle sera détruite par les allemands en 1940 afin d'étendre la piste.

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