1919 : les fêtes du retour des poilus à Châteauroux

Il y a cent ans, le 24 août 1919, les habitants de Châteauroux organisent une grande fête pour accueillir les soldats du 90e régiment d'infanterie de retour des des combats. Grâce au propriétaire de l'Olympia Cinéma Théâtre, Marurice Brimbal, un film est réalisé pour garder la trace de cet événement.

Au début de l'année 1919, lorsque la date de retour du 90e régiment est connue à Châteauroux, un comité d'accueil se met en place. Il s'agit d'organiser une fête digne des rescapés de la « Grande Guerre ». En quelques jours, 21 000 francs sont réunis dans tout le département de l'Indre, qui permettent de décorer les rues principales de la ville, de construire un arc de triomphe, de prévoir une cérémonie et un déjeuner pour les troupes.

Le 90e régiment d'infanterie est installé à Châteauroux depuis 1877. Au moment de la mobilisation de 1914, deux autres régiments sont créés : le 290e RI (régiment de réserve) et le 65e RIT (régiment territorial). Ces derniers sont dissous au cours de l'année 1918, mais leurs bannières sont présentes lors de ces fêtes pour rendre hommage aux hommes morts sous leurs couleurs.

C'est Maurice Brimbal, figure de la vie culturelle locale, horloger, mais aussi créateur du cabaret Le Pierrot noir et propriétaire du cinéma l'Olympia Cinéma Palace, qui prend l'initiative de faire tourner un film en 35 mm. Dans un discours conservé dans le fonds patrimonial de la médiathèque de Châteauroux, il précise qu'il s'agissait pour lui de "fixer les scènes de cette journée où le Berri [/sic] manifesta à ses enfants, sa reconnaissance et son affection".

Grâce aux contacts noués à Paris pour la location des films de l'Olympia, Maurice Brimbal recrute des opérateurs qui réalisent un film de plus de vingt minutes, qui permet de suivre chaque étape de la journée : l'accueil des troupes à l'entrée de la ville par les autorités locales, l'impressionnant défilé sous l'arc de triomphe construit dans la rue Victor-Hugo, la cérémonie à la caserne ou encore le joyeux repas avec Rex, la mascotte de la troupe... Les opérateurs s'attardent également sur les boutiques décorées pour l'occasion (dont l'horlogerie de M. Brimbal) ou encore réalisent un magnifique travelling à travers les rues de Châteauroux, permettant de découvrir la foule venue là de tout le département.

En région Centre-Val de Loire, nous ne connaissons qu'un seul autre film de ce type : le retour du 82e régiment d'infanterie à Montargis. Et il s'agit là aussi d'un film découvert dans un vieux cinéma de la ville.En 2014, le pianiste Christophe Heyraud créait à la demande de Ciclic Centre-Val de Loire une composition pour accompagner le film en ciné-concert. Grâce à un enregistrement professionnel, le film fait aujourd'hui parti des collections de la Région Centre-Val de Loire.

En 2015, Ciclic Centre-Val de Loire fait l'acquisition de bribes de films nitrates 35 mm déposées par Jackie Fortin. L'une des chutes est assez unique. Elle correspond à la scène du feu d'artifice mais elle comporte une particularité, elle est colorisée, chose assez rare à l'époque. Cette copie couleur a presque failli ne jamais voir le jour, elle fu récupérée dans une brocante accompagnée de film publicitaires.

La bobine 35 mm du film Châteauroux, les fêtes du retour des poilus - 24 août 1919 a longtemps été conservée par la famille de Maurice Brimbal. C'est le petit-fils de l'horloger, Jean Barbot, qui en fait don à la Ville de Châteauroux en 2004, permettant sa conservation au sein de la Médiathèque Equinoxe. C'est en 2019, à l'initiative de Ciclic Centre-Val de Loire que les éléments du film ont été déposés dans les locaux de l'agence à Issoudun. De plus, une convention permettant la valorisation pleine et entière du film est officiellement établie et signée par Jean barbot, la Ville de Châteauroux et Ciclic Centre-Val de Loire. C'est grâce à cet accord que vous pouvez découvrir ce document historique assez unique, en effet chose assez rare pour être soulignée, elle est dotée d'une teinte orangée. Elle correspond à la fin du film, la scène de l'embrasement. Cette copie couleur a bien failli disparaître, elle fut récupérée dans un brocante accompagnée de films publicitaires. 

Hier film d'actualité, aujourd'hui archive exceptionnelle, cet objet d'histoire se devait d'être mis à la disposition de tous. Pour célébrer le centième anniversaire de ce "monument d'images", Ciclic Centre-Val de Loire et la ville de Châteauroux ont édité un DVD vous permettant de découvrir Les Fêtes du retour des Poilus dans une version numérisée en haute qualité (cette version a été obtenue grâce au partenariat mené avec les équipes de la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine à Limoges), une version musciale et un entretien avec Jean Barbot, petit-fils de Maurice Brimbal. A cela s'ajoute un livret de 36 pages écrit par Jean-Louis Laubry, historien, revenant sur le contexte de tournage, la réalisation et le message du film.

Maurice Brimbal, dit Maurice Dauray (mort en 1945). Cet amoureux de music-hall fut l'une des figures de la vie intellectuelle castelroussine de la fin du XIXe-début du XXe siècle. Fondateur des revues folklorique Le Gargaillou et satirique L'An caustique,  créateur du cabaret Le Pierrot noir à Châteauroux (1897), il achète la première salle de cinéma de Châteauroux, rue de la Gare (L’Olympia cinéma palace) avant de faire construire en 1920 un cinéma près de dix fois plus grand : L'Apollo. Concernant le film Les Fêtes du retour des Poilus, il dira en 1930 :"J'ai fait ce film afin que, lorsque tous, témoins et acteurs de la Grande Guerre de 1914-1918, nous aurons disparu, ces images animées puissent rappeler à nos enfants avec les heures douloureuses et glorieuses, le souvenir de notre joie au lendemain de la victoire péniblement mais justement gagnée".

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