1966 : Un marché en Touraine

Tout autour de ses célèbres halles, Sainte-Maure-de-Touraine voit chaque vendredi l’installation d’un marché à plusieurs visages. A l’ouest, se tient un marché classique, tandis qu’à l’est… s’étend  le marché aux volailles et aux œufs.

C’est ce « second marché » qui fait l’objet du film tourné par Gilles Gouset au milieu des années 1960. Après une séquence d’exposition qui nous conduit à découvrir les attraits touristiques de Sainte-Maure-de-Touraine (le syndicat d’initiative vivait ses premières années), la caméra s’immisce au cœur de ce vieux rendez-vous commercial. Sur les images de l’arrivée des paysans, de leur installation, en voyant leurs portraits, c'est une conversation de tous les jours que nous entendons. Soudain, la cloche retentit et marque l’ouverture légale des négociations. Aux images de confrontations, répond alors la rumeur des marchandages : « à 2,60, vous nous permettez plus d’ gagner not’vie, alors vous poussez un peu… », « qu’est-ce que vous voulez exactement ?  Vous voulez 2,40 ? Vous voulez 2,45 ? », « Bon, alors, combien qu’elle les laisse ? ». Et au milieu des sons d’ambiance se fait entendre quelquefois la voix en off de l’auteur, guidant le spectateur dans l’arène.

Une destinée de cinéaste

En septembre 1966, le jeune Gilles Gouset, originaire de la commune, vient tout juste d’obtenir son baccalauréat et il s’apprête à partir à Paris pour préparer le concours d’entrée d’une grande école de cinéma. Depuis 1958, l’adolescent s’initie au cinéma en famille avec une caméra 8 mm, puis en 16 mm. C’est en 16 mm que son père et lui réaliseront entre 1965 et 1968 des documentaires et des revues d’actualité au sein de la section photo-cinéma du Foyer des Jeunes de Sainte-Maure-de-Touraine.

Bien déterminé à devenir cinéaste, le jeune homme se frotte à la pratique pendant l’ été 1966, en premier lieu lors d’un séjour à Londres en filmant le « Speakers’ Corner » de Hyde Park, puis en imaginant un documentaire intitulé « Un marché en Touraine » auquel il associe un jeune professeur possédant un magnétophone portable, Gérard Derbois.

Une seule journée de tournage 

Le 9 septembre 1966, les deux opérateurs s’élancent à l’assaut du marché aux volailles. Gilles Gouset filme en 16 mm dès les premières heures du marché et jusqu’à la disparition de tous les protagonistes en début d’après-midi. Son objectif Pan Cinor (le premier zoom) lui permet d’être au plus près des figures, de capter les expressions et les mimiques des paysans à l’heure des négociations. Gérard Derbois enregistre les conversations et les bruits ; ils interviennent même pour connaître l’âge « d’une carriole d’un demi-siècle ».

Le film n’a jamais été projeté à Sainte-Maure-de-Touraine. Arrivé à Paris, Gilles Gouset fréquente assidûment les salles obscures et découvre le plaisir de parler et d’échanger sur les films. En 1968, il devient animateur au sein de la Fédération de ciné-clubs « Film et vie ». Plus tard, il réalisera d’autres films avant de se consacrer entièrement à l’action culturelle cinématographique. Quand le film est montré dans un ciné-club à la MJC d’Issy-les-Moulineaux en 1969 dans une séance consacrée au « Jeune cinéma amateur », Gilles Gouset définit ainsi son film : « Un essai, un souvenir, des impressions, une étude, un document ».

Et les titres ?

Les dernières images du film montrent le marché devenu désert, quelques papiers d’emballage s’envolant au vent. Sur elles, s’affiche le titre : « C’était un Marché en Touraine, Gilles Gouset, 1966 ». Le jeune cinéaste a réalisé très simplement ce titre au tournage. Après avoir filmé les dernières images du marché, Gilles rentre chez lui. Il peint le titre en blanc sur du papier canson noir et remonte de quelques secondes la pellicule dans sa caméra Paillard H16. Puis, il fixe la caméra sur un pied et filme son titre tout juste sec, sur la pellicule déjà impressionnée. La fin est prête !

Article écrit à partir d'un entretien mené avec Gilles Gouset en novembre 2012.

Les films de Didier et Gilles Gouset, notamment ceux tournés pour le Foyer des Jeunes de Sainte-Maure-de-Touraine, ont été numérisés dans le cadre du Plan national de numérisation du Ministère de la Culture. Initié en 1996, le Plan national a d'abord permis d'aider à la numérisation des fonds iconographiques et sonores appartenant à l'Etat. Depuis 2000, il est également ouvert aux collections des collectivités territoriales, des fondations et des associations. 

Un montage artisanal. Lors des vacances de Noël, Gilles rassemble tous les éléments. Il n’a pas de visionneuse 16 mm et visionne toutes ses bandes sur un projecteur. Il décrit minutieusement chaque plan sur des fiches bristol. C’est en agençant ces morceaux de papier qu’il écrit son film. A partir de ce plan de travail, il réalise le montage image « à l’œil nu ». Pour le son, il travaille à même la bande magnétique, en coupant et collant les passages qui l’intéressent. Pour ouvrir et clore le film, il utilise deux extraits de la « Musique pour un feu d’artifice » de Haendel. Ainsi, comme l’indique aujourd’hui Gilles Gouset, aux images de la ville ancienne, répondait une musique ancienne, composée au XVIIIe siècle.

Commentaires

Très belle vidéo, il y a mon grand père et mon arrière grand mère sur cette vidéo.

Portrait de Olivier Fourel

Nous sommes ravis que vous ayez pu voir vos aïeux en images sur Mémoire.

Beaucoup d'émotions, festival de 4L et 2cv. Nous y avons reconnu notre grand-mère.

Portrait de Olivier Fourel

Ce film se déroule en effet à la grande époque de la 4L et de la 2CV, époque où l'on ne parlait pas encore de véhicules utilitaires spécifiquement conçus pour les professionnels.

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